Manifestations au centre-ville: Genève va serrer la vis
Les défilés qui bloquent le centre-ville sont devenus trop fréquents, selon les milieux commerçants et patronaux. Ils ont finalement été entendus par le Conseil d’État.
La socialiste Carole-Anne Kast, au nom du Conseil d’État, a annoncé mercredi sur Léman Bleu un tour de vis concernant les manifestations au centre-ville.
Depuis le début de l’année, des défilés le bloquent tous les deux samedis après-midi en moyenne, suscitant la grogne des faîtières Genève Commerces et Nouvelle organisation des entrepreneurs, qui ont écrit le 4 mars à la magistrate chargée des Institutions et du numérique (DIN).
Puis, le 10 avril, le Conseil d’État a été interpellé par ces organisations ainsi que par la Fédération des entreprises romandes, la Chambre de commerce et d’industrie ou encore la Fédération des métiers du bâtiment.
Toutes dénoncent la récurrence de ces cortèges, qui, selon elles, peuvent entraîner jusqu’à 40% de baisse du chiffre d’affaires ces jours-là.
La Ville de Genève, par la voix de la centriste Marie Barbey-Chappuis, a aussi demandé au Canton que la paralysie du centre-ville redevienne l’exception. Elle souhaite que les manifestations à caractère international soient cantonnées dans le quartier des Nations.
La Ville de Genève déboutée
La Ville avait d’ailleurs refusé que l’un des cortèges de solidarité avec Gaza – organisé par Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) – emprunte, le 20 janvier, le tracé passant par les Rues-Basses et le pont du Mont-Blanc, au profit d’un parcours des Cropettes à la place des Nations.
Le DIN, lui, n’avait vu aucun motif sécuritaire pour dire non. De même que le Tribunal administratif de première instance, saisi par BDS, qui avait débouté la Ville en décrétant que, désormais, les communes n’auraient plus qu’une voix consultative. La Ville a fait recours.
Esprit de proportionnalité
Afin de protéger les libertés économiques et de circulation, le PLR a déposé mercredi au Grand Conseil un projet pour interdire les tracés dévolus aux tramways, ainsi que le périmètre du «U Lacustre».
Sur Léman Bleu, Carole-Anne Kast n’a pas souhaité commenter ce projet, tout en soulignant la nécessité d’autoriser les manifestations dans un esprit de proportionnalité.
Jusque-là, le DIN examinait les demandes pour des cortèges au centre-ville comme des événements isolés, intervenant tous les mois ou tous les deux mois, selon la magistrate. Mais désormais, «il y a une récurrence qui porte atteinte à d’autres activités».
«Cela a un coût important pour les privés en termes de baisse du chiffre d’affaires, mais aussi pour les collectivités publiques», ajoute-t-elle.
Effet d’inertie
Le Canton se montrera donc plus restrictif concernant les parcours, les horaires ou les jours. Carole-Anne Kast demande de la compréhension aux organisateurs: «Faire une manifestation perçue comme une nuisance ne bénéficie pas à la cause défendue.»
Elle prévient toutefois que le changement de paradigme ne sera pas concrétisé immédiatement, puisque les autorisations sont demandées trente jours à l’avance.
Cet «effet d’inertie» fait tiquer Flore Teysseire, secrétaire patronale de Genève Commerces. «Une manifestation est prévue ce samedi, ce sera la neuvième d’affilée!»
Elle se dit toutefois satisfaite que l’État ait entendu les doléances. Quant au projet PLR qui prohiberait complètement les Rues-Basses et le pont du Mont-Blanc, «pourquoi pas, car c’est là où l’impact sur les commerces est le plus délétère».
«Beaucoup de concessions»
Clémence Jung, de BDS, déplore le serrage de vis annoncé. Selon cette juriste, il risque de violer les libertés d’expression et de manifestation défendues par la Convention européenne des droits de l’homme. Si des refus «par principe» devaient être signifiés, la justice serait saisie, prévient-elle.
Elle poursuit: «Carole-Anne Kast nous demande d’être compréhensifs? Mais nous l’avons toujours été, nous avons fait beaucoup de concessions. Nous sommes passés seulement deux fois par le pont du Mont-Blanc et avons accepté la plupart du temps de manifester sur la Rive droite. Mais on ne peut pas nous demander de le faire dans les rues désertes qui aboutissent à la place des Nations.»
Pesée d’intérêts
Quant à des manifestations mal perçues, la militante répond: «De qui parle-t-on? Pas des milliers de personnes qui se mobilisent pour la paix, pour le droit du bail ou contre les attaques contre les trans. Les autorités devraient être fières que Genève, ville internationale, se lève face à un génocide en cours.»
Vu sous cet angle, «il y a quelque chose d’indécent à regretter de ne plus pouvoir faire son shopping comme si de rien n’était», conclut la militante.
«Genève Commerces ne se prononce pas sur les causes des mobilisations, mais sur leur récurrence. Plus il y en a les samedis, plus les gens évitent les commerces, il s’agit de faire une pesée d’intérêts», réagit Flore Teysseire.
Source : TdG du 18.04.2024